vendredi 29 juin 2012

L'eau, Dieu, Jean-Claude et nous


Des souvenirs d'enfance, il subsiste l'essence de nos vies. De quoi sommes nous donc faits si ce n'est d'instants fugaces ? Des moments qui nous ont paru si futiles et qui, par la magie du temps, distillent en nos coeurs des torrents de bonheur sublimé. 

Il y avait,  en contrebas du chalet, une Abbaye cistercienne. Unique, majestueuse, mystique. Témoin de tant d'Histoires que son environnement même imposait le respect jusque dans la silence qu'observaient les oiseaux. Quelques messes s'y déroulaient encore parfois lorsque que le curé de la paroisse voisine, ami de la famille, faisait l'honneur d'y venir officier. 



Mon oncle en détenait les clés. Et nous ressentions grand honneur à venir balayer la nef. Nous qui pourtant ne tenions pas un office sans pouffer de rire à chaque minute. C'était notre abbaye. Nous étions des princes et des princesses tellement fiers de s'asseoir sur ces vieux bancs de bois, à même la pierre humide imprégnée de tant d'humanité. Et quand nous étions sages, quand Oncle Jean-Claude ressentait le besoin de nous transmettre un bout de patrimoine, alors nous nous ne sentions plus de joie. Nous allions rencontrer Dieu. Je vous assure ! IL était là ! Nous avions dix ans…. Et les messes à Foigny, c'était à nous qu'elles s'adressaient. Nous étions fiers, certes. Mais...
Mais quand Sophie me regardait du haut de ses quatre ans  en réprimant difficilement un fou rire devant le bégaiement du prêtre, alors Xavier se frottait nerveusement le crâne en trépignant du pied gauche tandis que je réprimais en gémissant un énième fou rire et gourmandé du coude par Mamie, alors nous savions que la fin était proche. Et que nous pourrions dans l'instant bondir dans les prés. 
Non loin coulait un vague filet d'une eau d'une bouche usagée et rouillée que l'on disait bénite et qu'il fallait pomper. On disait à Foigny que, qui la buvait, s'en trouvait purifié. Et comptabilisant nos péchés récurrents, nous buvions à la source et remplissions des jarres du précieux liquide qui nous gardait de l'Oeil du tout Puissant. Jusqu'à plus soif et pour défier le sort : remonter jusqu'au chalet les brocs plein à ras bord.  Faire des réserves pour couvrir nos âneries. 
Mais voilà, par temps chaud, les côtes semblaient s'étirer vers le ciel et nous nous désaltérions, à chaque virage. Tant et si bien qu'en arrivant au perron, les jarres étaient vides et nos coeurs, emprunts de bonnes intentions. Oui, c'était vraiment une source magique. Nous pédalions des heures pour sauver nos âmes  et nous arrivions le ventre rond, désaltérés  avec au fond de nous, l'esprit serein d'avoir bu le sermon du jour. Heureux. Sans remord. Sous le regard perpétuellement froncé d'oncle Jean-Claude.

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