mercredi 14 mars 2012

Canards : chronique (s) d'une mort annoncée


Mon métier se meurt et emporte avec lui des amis qui me sont chers. Atteinte d'un mal incurable, la presse écrite agonise depuis des années dans la plus sombre indifférence. Elle perd ses plumes. Dans tous les sens du terme.



Au profit des nouvelles technologies nous dit-on. Permettez moi de ne pas en croire un mot. Ce sont les industriels, les gros entrepreneurs qui ont tué nos talents. Nous avions une presse riche et cultivée, des journalistes formés à conjuguer les mots. Des techniciens de l'âme, de l'esprit et du coeur qui connaissaient encore les règles typographiques et grammaticales de nos grands parents. 
Ils n'avaient pas twitter. L'info attendait encore quelques heures. Pour la digérer, pour mieux la retranscrire, même parfois la gerber, quand elle dépassait nos consciences.
Derrière évidemment, des financeurs, des annonceurs. Et honte sur eux. Ce n'est pas internet qui a tué l'écrit, ce sont ces hommes d'argent et de pouvoir, sarkozistes avant l'heure, qui ne trouvent plus "rentable" de soutenir une  rédaction. 
Autrefois mais il n'y a pas si longtemps, de vrais hommes dirigeaient les groupes de presse. Pour céder peu à peu du terrain à des banquiers cyniques en quête de notoriété. N'étaient-ils pas plus fiers de détenir de l'argent dans France Soir ou Paris Normandie que dans une entreprise de pneus ? Si. Ils l'étaient. Quitte à perdre des actions au profit de l'Information. Quelque que soit son parti pris. 
Mais aujourd'hui que l'identité culturelle et journalistique française cède le pas à l'uniformisation d'une presse inféodée, sans goût, ni saveur; l'investissement se désengage au profit de Gratuits anémiés, de sites anamorphosés, de journalistes interchangeables à la langue stéréotypée.
Est-ce cela que nous voulons ? France Soir est mort. La messe a vite été dite. Pas de cri. Pas de pleurs. Ni fleur, ni couronne. 
Aujourd'hui, c'est au tour  de "Paris Normandie". 112 suppressions d'emploi annoncées. Qui s'en soucie ? 
Moi. Parce que je n'aime pas les raccourcis de l'info. Parce que j'aime écrire. Et puis parce que j'aime lire, le matin, mon canard, à la terrasse d'un café.
Parce que j'y ai un ami, aussi. Un journaliste. Un vrai comme on n'en rencontre plus tant que ça. Qui sait qu'"occurrence", ça prend 2C2R. Mais en l'occurrence, sa plume, il peut se la profiler sur l'oreille.
Et moi, ce que j'en pense, c'est que du ressenti. Une immense tristesse, un profond désarroi, une déception intense de voir ma presse écrite transparente, translucide, éludée. 

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