Se souvenir pour se construire demain. Oui. De quoi
vivons-nous ? De nos images. Celles que nous avons imprimées en nous.
Celles qui représentent de si jolies choses, tout en étant insignifiantes, qu’elles
nous font croire qu’encore, nous pouvons vivre d’idéaux. Je vais vous raconter
une histoire….
J’ai 6 ans, tout au plus. Peut-être moins. Nous partons avec
maman en voiture vers Foigny, dans l’Aisne, la maison familiale de vacances de
ma grand-mère. J’aime ce trajet qui serpente le long de départementales
traversant tour à tour des cressonnières et des champignonnières.
Nous faisons
parfois une halte dans d‘obscurs villages désertés où ne subsiste qu’un seul
bistrot débordant de vieux agriculteurs enivrés et néanmoins affables et
affalés devant la belle bourgeoise parisienne qu’est ma maman.
Souvent, en s’achetant
ses gauloises « Maïs », elle m’autorise un paquet de tic-tac orange
que je ferai suavement durer tout le long du trajet en les recrachant à peine
les avoir sucés, les uns après les autres, méthodologiquement. Qu’ils
deviennent tous blancs avant que je ne les croque d’un seul coup et que je m’étouffe
de bonheur sucré.
Les dix derniers kilomètres avant les chemins communaux sont
longs. Passé Laon, l’ennui me gagne. Je m’invente un nouveau jeu. Je prends
soudainement conscience du temps qui passe et oh combien j’aime ces moments
rares d’intimité dans la vieille R14 (on l'appelait la Jument Verte, pour ceux à qui ça parle...) avec maman, seule, devant et sans ceinture.
Et je me dis : j’aimerais toute ma vie me souvenir de cet instant. Alors
pour l’illustrer, j’enregistre l’image qui défile sous mes yeux.
Maman double
un poids lourds beige, sale et tout fumant qui sent le gazoil à plein nez. Je n’ai
jamais oublié ce moment là. Cet instant que j’avais décidé, du haut de mes 6
ans, de garder en mémoire jusqu’à ma mort.
M’enfin, moi, ce que j’en rêve….
Savoureux...tendre...suave...et qui nous parle, à nous tous
RépondreSupprimerCes petits moments qu'on a gravés un jour en nous parfois sans se douter qu'ils resteraient ancrés...
RépondreSupprimer