jeudi 20 novembre 2014

Raphaël a rejoint la lune


Il avait 23 ans. Il s’appelait Raphaël. C’était un enfant qui se croyait éternel. L’avenir devant lui. Il est mort en Syrie. Bordel.

C’était un pêcheur de lune. Ainsi les surnomme-t-on, les habitants de ce village de l’Hérault. Pescalunes….
Raphaël, prêcheur de runes. Pêcheur de rêve. Prêcheur des rues. Echoué dans une mosquée pour donner quoi. Un sens à ta vie ?
A Lunel… Tu as délaissé ton existence pour le vouer à dieu. Mais quel dieu ? Quel dieu peut prôner la haine, la mort, le désert, la misère, l’absence, la déshérence ? Quel dieu pour vouloir la mort d’un enfant ?
Ce dieu là, moi, je souhaite le voir griller en enfer. Pour tes parents, Raphaël et pour tous les parents du monde victimes de guerres de religion. Un expression barbare, digne d’un autre temps. Même les animaux sont plus intelligents.

Raphaël, envoyé par dieu, un autre que le tien, pardonne mon errance, pour rencontrer Sarah et perpétuer la descendance d’Abraham.
Raphaël, archange chez nous mais chez les musulmans aussi. Dans le coran, il était écrit que tu soufflerais dans la trompe pour annoncer la fin du monde. Enfin de notre monde. L’heure du jugement dernier...
Parce que personne, chez toi, chez nous, en France, dans l’Hérault, à Lunel, à deux pas de chez moi, n’a pu sauver tes espoirs, petit pêcheur de lune.
Pescalune. Ta mort ne sert à rien.
Car le coran précise : “Lors du jugement dernier, un second soufflement de trompe réveillera les morts afin qu’ils soient jugés sur leurs actions”. 
Israfil, as-tu un frère à sacrifier ?


Repose en paix.

dimanche 26 octobre 2014

Apprendre à vivre sans toi.


Quand tu es partie maman, je n’ai pas ressenti grand chose, peut-être même une forme de soulagement. Parce que tu tu étais déjà loin. Déjà dix ans que la vie t’ennuyait. La vie te tuait, te rongeait. L’anxiété permanente. La solitude…
La nouvelle est tombée, j’étais dans ma cuisine. On s’y attendait depuis deux jours. C’est court deux jours pour se faire à la mort, maman. C’est court.
J’ai raccroché ce maudit téléphone. Happée par le vide, j’ai vécu en apesanteur. C’était un mardi.

J’ai bu pour ne plus avoir mal. J’ai pleuré des seaux de larmes. Puis j’ai pris cet avion. Dans un état second. A ce moment là, encore, je ne suis pas bien sûre de mes sentiments. Etait-ce de la douleur ? De la peur ? Je ne sais pas car si j’avais su maman, si j’avais su...
Si j’avais su nous aurions tant parlé. Si j’avais su j’aurais tout envoyé bouler, les clients, le boulot, les enfants, pour un avion plus tôt.
Si j’avais su j’aurais pris soin de toi. Tu ne serais pas repartie mourir dans ton île, maman. Tu serais restée près de moi.
Quel détour pour rien ! Je suis allée chercher tes cendres là-bas et aujourd’hui elles sont près de moi. Dans ce bureau que tu aimais tant. Auprès de tes photos, de tes objets et de tes aquarelles. Un mausolée en somme. Ma manière à moi de faire mon deuil.



Quand j’ai embrassé ton corps, froid; ton visage, lissé par la mort, alors j’ai compris. C’est fini. Ce n’était jusque là qu’une illusion à laquelle je ne croyais pas. Je ne te croyais pas capable de mourir sans m’attendre, maman. Pourtant tu l’as fait. Je veux croire que tu ne l’as pas fait exprès, maman.  Je veux croire que tu ne l’as pas fait exprès.

Je t’ai prise dans mes bras. J’ai respiré ton odeur. Tu étais belle. Sereine. Apaisée, enfin. Alors je t’ai parlé. Et tu m’as entendue. Je crois même que tu m’as souri. Je crois, oui.

Le lendemain, je suis revenue mais ton âme, elle, s’était envolée et j’ai eu froid.

Quand ils ont fermé ton cercueil, mon sang s’est figé comme le tien. Alors c’était bien ça... J’allais devoir apprendre à vivre sans toi ! 
Et je t’entends me dire :
-       “A ton âge Fanny, il serait temps !”
Tu as raison maman, mais je suis ton enfant.
Je vais apprendre à vivre sans toi, maman, mais j’ai besoin de croire que tu vas m’aider. Pour l’instant, j’attends. Un signe. Un rien. J’entends le silence. Il est assourdissant. C’est peut-être pour ça que je ne perçois pas ta présence. Alors, maman, fais taire ce silence…
Je t’aime.


mercredi 8 octobre 2014

Maman ?

Samedi, je vais te dire adieu et ton corps sera froid. Peut-être faudra-t-il prononcer quelques mots quand l'infernale flamme de l'incinérateur viendra lécher ton cercueil ? C'est compliqué Maman. Les oraisons funèbres, c'est pas mon truc...

Depuis toujours, et aujourd'hui encore pour être honnête, quand je suis triste, peinée, déçue, quand je perds espoir, quand j'ai peur, quand j'ai froid, alors, dans la nuit, je retrouve ma voix d'enfant et j'appelle : "Maman ?" . Tu m'as toujours répondu maman. Même en pleine nuit. Même quand tu étais fatiguée. Pourtant non, tu n'as pas été parfaite. Tes choix de vie n'ont pas toujours été judicieux. Tes réactions plus qu'imprévisibles. Pourtant, comme maman, je n'en n'aurais pas désiré une autre que toi.
Mais voilà, ça maman, je n'ai pas eu le temps de te le dire. Pas eu le temps de te dire que je sais, maintenant, que tu as fait avec et qui tu as pu. Tu t'es plantée, c'est le premier rôle d'une maman, maman.


Cette nuit tu t'en doutes, je n'ai pas dormi. Toi non plus. Cette nuit, tu as attrapé la dernière barque solaire, puis lunaire, pour rejoindre Ré. Tu as parcouru le monde. Et Anubis a tout bien pesé. Je ne connais pas le poids de ton âme. Maman. Personne ne le connaîtra jamais parce que tu étais, tu es, tu resteras, incernable. Humaine. Imperceptible maintenant que tu es partie. Mais je sais que de ta vie ont jailli plein de vies. Merci pour ça Maman.
Maman ? Tu ne me réponds plus. Maman ? Tu ne m'entends plus. Demain Maman, j'embrasserai ton corps. Pour la dernière fois. Et ça, maman, je sais que tu le sentiras.